Les partis indépendantistes ont remporté dimanche la majorité absolue des sièges aux élections régionales en Catalogne, un succès qu'ils présentent comme un mandat pour mener cette riche région d'Espagne vers la sécession. Mais leurs adversaires ont refusé de reconnaître leur victoire, soulignant qu'ils n'avaient pas recueilli la majorité des voix.
La liste "Ensemble pour le oui", principale coalition indépendantiste, obtient soixante-deux sièges. L'autre liste indépendantiste d'extrême-gauche, Candidature d'unité populaire (CUP), en obtient dix. Ensemble, leurs soixante-douze sièges dépassent la majorité absolue, fixée à soixante-huit sièges sur cent trente-cinq. En pourcentage, les deux listes recueillent 47,64% des suffrages, selon ces résultats.
ARTE Info dresse les enjeux du scrutin à travers les motivations des électeurs, des interviews d’experts et la présentation des forces politiques en présence.
“27S : le vote de ta vie !”
La phrase apparaît dans tous les slogans, martelée dans les discours et inlassablement répétée lors des débats télévisés : pour les séparatistes, l’avenir de la Catalogne se décide au scrutin du 27 septembre. Un an après l’échec du référendum du 9 novembre, suspendu par Madrid malgré les 80% de votants favorables à l’indépendance, le Président Artur Mas prend sa revanche. Il convoque à nouveau les Catalans dans des élections régionales législatives anticipées, sous la forme d’un second tour plébiscitaire centré sur l’indépendance. Pour ses opposants, l’enjeu de la campagne a dévié : “Ces élections visent à renouveler le Parlement catalan”, estime Carlos Candepadros, militant du parti Ciudadanos. Le politologue né à Barcelone ne s’est jamais senti concerné par les débats sur l’indépendance mais l’acharnement militant dont font preuve les régionalistes l’oblige à se positionner en s’engageant au sein d’un parti de l’opposition. Quatrième force politique d’Espagne et classé deuxième dans les sondages, celui-ci se donne pour priorité la lutte contre la corruption. Pourtant, les tracts que Carlos distribue aux passants dans la rue s’adressent à “tous ceux qui se sentent à la fois européens, espagnols et catalans“.
"Les indépendantistes ne sont pas majoritaires mais ils savent utiliser les moyens de communication.”
Carlos Candepadros, militant Ciudadanos
“Avant, l’enjeu de ces élections était le clivage entre la gauche et la droite, note Nuria Pie, propriétaire d’un atelier de céramique à Barcelone. Aujourd’hui, la société a changé et il y a une quantité de partis, alliés pour le oui, alliés pour le non.” Parmi eux, figure la liste emmenée par le Président catalan Artur Mas. Baptisée “Ensemble pour le oui”, elle réunit sous une même coupole indépendantiste la gauche républicaine d’ERC et les conservateurs libéraux du parti Convergence démocratique de Catalogne. Deux partis historiquement opposés, temporairement unis pour un objectif commun : rompre avec Madrid et faire naître en dix-huit mois un nouvel État catalan. “La construction d’un pays nécessite que tout le monde participe, à gauche comme à droite pour que personne ne se sente exclu“, estime Elisenda, jeune professeure dans une école d’art. Comme elle, l’argument séduit de nombreux Catalans car il offre l’image d’un patriotisme rassembleur qui contraste avec l’absence de coalition possible entre les différents partisans du non. En imposant la tenue d’élections six mois à peine après les élections municipales, Artur Mas bouscule l’agenda politique et oblige les partis à recomposer leur liste hâtivement. Il s’assure ainsi une avance dans les sondages et bénéficie en outre de l’appui des associations civiles.
Sept forces politiques se présentent aux élections régionales anticipées de Catalogne. La coalition Junts pel Sí est donnée gagnante dans les sondages mais elle devra compter sur des alliances si elle veut remporter la majorité des sièges. Cliquez sur les logos pour connaître les programmes et les tendances politiques des différents partis.