A votre avis, qu'est-ce qui a intéressé le jury du prix Albert Londres dans votre documentaire ?
Je pense que c'est surtout notre sujet qui a plu : la Syrie, et plus particulièrement la question des disparitions forcées dans les geôles de Bachar Al-Assad. Des dizaines de milliers de personnes ont disparu ou ont été enlevées. Notre travail sur ce thème a commencé il y a deux ans, dans un autre contexte.
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Le documentaire Disparus, la guerre invisible de Syrie, est visible en intégralité sur ARTE Info.
Aujourd’hui, notamment grâce au soutien de la Russie, le régime syrien reprend du poil de la bête... Ces disparitions forcées sont la démonstration de la machine de mort du régime syrien. Je crois que ce qui a marqué le jury, c'est qu'il s'agit d'une réalité qui est en train de disparaître, notamment car on parle beaucoup de l’Etat islamique en ce moment. C’est une réalité qui a été reconnue et primée. C’est un sujet important, car ce phénomène existe depuis quelques années maintenant.
En ce qui concerne les disparitions forcées, la situation a-t-elle évolué en Syrie depuis votre enquête ?
C’est extrêmement difficile à savoir. Nous sommes journalistes indépendants et il est très difficile de rentrer actuellement en Syrie pour savoir ce qui s’y passe. Ces disparitions forcées ont continué pendant ces deux-trois dernières années et rien ne permet de penser qu’elles se sont arrêtées.
Au début de la révolution en Syrie, cela a été un réel outil pour faire disparaître les opposants et faire taire la contestation. C’est une machine à terreur qui pétrifie les gens et quand une famille est touchée et que l’un de ses membres est enlevé, elle ne peut plus rien faire. Je ne vois donc pas pourquoi ces disparitions s’arrêteraient. Mais nous n’avons pas accès au terrain aujourd’hui… Et même si nous avions un visa pour nous rendre sur place, nous mettrions les témoins en danger.
Quels sont vos projets aujourd'hui ?
Rien n’est décidé pour l’instant. Cette enquête a été une aventure forte et nous avons fait des rencontres importantes. Nous voulons continuer ce travail… Nous n’avons qu’une petite vision de ce qui se passe sur place, mais nous y réfléchissons et nous avons quelques idées.
Cette enquête a été une aventure forte et nous avons fait des rencontres importantes
Etienne Huver - 27/05/2016
Il y a beaucoup de journalistes et de documentaristes syriens qui font un énorme travail sur place, et on se doit de ne pas oublier ce qui se passe en Syrie. Il faut bien sûr parler de ce qui se passe avec l’Etat islamique, mais il ne faut pas laisser de côté les exactions du régime de Bachar Al-Assad. Beaucoup de photos et de vidéos sont publiées sur internet et il y a une masse d’informations colossale, mais le travail des Syriens n’est pas suffisant. Il faut continuer à documenter ce qui se passe en Syrie.
Comment les deux journalistes ont-ils enquêté sur un terrain aussi dangereux et complexe que la Syrie ? Etienne Huver relate les coulisses de cette longue enquête.