Interview de Annick Antierens, coordinatrice des essais de traitements contre le virus Ebola (MSF Belgique)
Pour Médecins sans frontières, la première organisation à tirer la sonnette d'alarme, la réponse de la communauté internationale a été bien trop tardive : "On a toujours ce problème avec les maladies négligées. Avec les maladies virales hémorragiques, il y a toujours des petites épidémies, une ou deux par an, avec une cinquantaine de morts à chaque fois, mais ça ne suffit pas pour émouvoir la communauté, ça ne représente pas du tout un marché commercial et ça se passe dans des pays auxquels ne s'intéressent pas forcément les gens... D’ailleurs il y en a une en ce moment au Congo ainsi que quelques cas en Ouganda mais personne ne veut s’en occuper particulièrement en Afrique. Bien sûr nous n'avions pas prévu une épidémie d'Ebola de cette ampleur en 2014 mais nous l'anticipions car le monde est beaucoup plus connecté, les gens se déplacent et les épidémies ne sont plus confinées localement au fin fond de la jungle."
Annick Antierens a participé la semaine passée à la Conférence organisée par l'Organisation mondiale de la santé pour revoir la liste des traitements potentiels contre Ebola. Beaucoup de médicaments ont été développés initialement par le secteur militaire ainsi que par le monde universitaire. Après avoir été mise au point grâce à des fonds publics, la formule est souvent donnée ou vendue à moindre prix à des compagnies pharmaceutiques pour qu’elles le développent en tant que médicament disponible en pharmacie. "Les grands labos ne devraient pas jouer sur le prix de ces médicaments, développés grâce à des fonds publics, et pour des populations vulnérables, comme c'est parfois le cas. Mais le fait qu’un médicament soit développé par l’armée ne nous pose aucun problème de neutralité, nos critères déterminants sont l'efficacité et la disponibilité". Et l'urgence est de tester ces nouveaux produits et protocoles, mettre en place des combinés thérapeutiques efficaces pour pouvoir répondre durablement à la détresse des populations touchées : "Jusqu'il y a quelques semaines, l'épidémie augmentait de manière exponentielle, la mortalité a été quelque peu réduite autour de 50%, on déploie des médecins et des médecins mais ce n'est pas suffisant. Des jeunes, des femmes, des vieux, du personnel soignant continuent à mourir mais également plein de victimes secondaires dont on ne parle pas souvent. On ne connaîtra jamais vraiment jamais le nombre de personnes infectées à cause de toutes ces personnes qui n’ont pas eu accès aux soins généraux de santé publique, généraux car le personnel de santé n’était pas là, ou le centre était fermé, ou il fallait une intervention et personne n’a voulu prendre le risque d’être infecté par Ebola donc des femmes qui auraient dû avoir des césariennes sont mortes en couches, des enfants vicitmes de la malaria n'ont pas été soignés, etc."
A l'heure actuelle, d'autres intervenants sont sur le terrain, des structures ont été construites, le personnel formé et deux vaccins sont en passe d'être mis sur le marché à une vitesse éclair. Annick Antierens détaille les critères de traitements et vaccins acceptables, à la fois pour les patients et le personnel soignant :